mercredi 7 décembre 2011

"Je suis de France"





Formidable surprise hier soir sur France 3 avec la diffusion à 20 h 35 (excusez du peu!) du téléfilm "Louis XI ou le pouvoir fracassé", réalisé par Henri Helman. Le bonhomme est un ancien d'Henri IV (le lycée) et possède suffisamment de culture historique pour maîtriser son sujet. Dans une interview, il se réclame du travail remarquable de Murray Kendall qui en son temps avait révolutionné le portrait officiel poussérieux de l'Universelle  Aragne ainsi que le chroniqueur fidèle des ducs de Bourgogne,  Georges Chastellain, avait méchamment  qualifié le roi Louis XI (1461-1483)
Une polémique récente se plaint -avec raison- de la quasi disparition des programmes scolaires de collège de figures historiques de premier plan (Clovis, Louis XIV, Napoléon). On pourrait en dire autant au sujet de la totalité des Valois directs (de Philippe VI 1328-1350, à Henri II 1447-1559) et notamment ce roi dont des générations n'ont retenu que la fourberie et sa propension à enfermer ses ennemis dans des fillettes (cages).
Le grand mérite de ce petit téléfilm est d'abord de ressusciter un personnage hors norme de l'histoire de France, un roi moderne qui sort son pays du Moyen-Age féodal et maîtrisant avec rouerie  la puissance des grands seigneurs féodaux. Il agrandit la France en y rajoutant la Bretagne, Bourgogne, Maine, Anjou, Provence, inventa la poste sur tout le territoire afin d’améliorer le commerce et fut un des premier penseur politique de son époque. 
Les Valois étaient des rois guerriers et souvent hâbleurs. Bien peu eurent une tête bien faite : Charles V, Charles VII et Louis XI firent exception.
Autant l'adaptation du Bossu de Paul Feval par Helman avait été décevante et même révoltante (cédant au politiquement correct des scénaristes, il avait modifié la fin du roman en célébrant les noces d'Aurore avec un jeune noble et non avec Lagardère jugé bien trop vieux), autant cette réalisation est réjouissante. Je suis étonné de ne pas encore avoir lu les critiques effondrées de Télérama ou des Inrocks vomissant sur une "qualité française heureusement révolue et honteusement programmée sur le service public faisant l'apologie d'un roi médiéval, et, crime de lèse gauchisme, le tout enveloppé dans une infâme unité de temps, de lieu et d'action, avec des comédiens fleurant bon la comédie française -pourquoi pas Jean Piat pendant qu'on y est-!  "... 
J'attends avec une délectation mortifère et quelque peu masochiste les râles convulsifs de ces modernes aux  petits pieds.
En attendant, la télévision française a prouvé qu'elle avait encore les moyens d'une télévision de qualité avec d'excellents acteurs -peu connus excepté Jacques Perrin, magistral dans un contre emploi qui rend au vieux roi une dimension humaine et quasi contemporaine.
Enfin, soulignons l'hommage rendu aux femmes, et notamment à Anne de Beaujeu, fille de Louis XI, femme de tête et de caractère qui s'empare de la régence avec fermeté après la mort de son père. On oublie à quel point certaines femmes furent décisives dans notre histoire. Anne de Beaujeu est dans la lignée des Blanche de Castille, des Yolande d'Anjou, comme le seront après elle une Catherine de Médicis ou Anne d'Autriche. "Je suis de France" est une des dernières répliques de ce personnage après avoir fustigé les seigneurs régionaux qui auraient désiré éclater le fragile équilibre hexagonal initié par les Capétiens depuis cinq siècles. "Je suis de France" s'écrit elle et l'on se prend à penser que ce souffle d'une épopée nationale manque cruellement dans notre mondialisation effrénée à la recherche de racines évanouies.

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